Vous savez, durant la traversée, il est peu probable (mais pas impossible) de faire route de collision avec qui que ce soit. La surveillance porte plutôt sur notre pilote automatique et la météo. Plus on se rapproche des Caraïbes, plus la pluie (plus précisément les grains) devient un potentiel problème.

Quand il pleut à terre, nous ressentons un changement de température, cela rafraîchit l'air en quelque sorte. Sur l'eau, ce changement peut être problématique car il n'y a rien pour arrêter ce changement. Les vents qui entourent cette différence de température deviennent de plus en plus forts et instables. C'est pour cela que dès que nous en voyons un, nous essayons de passer à côté et de l'observer pour connaître à peu près sa trajectoire.

Nous avons eu de la chance avec les grains, mais moins en ce qui concerne la houle. Cela nous a valu quelques manœuvres d'urgence car de l'eau de mer est entrée dans les chambres. Heureusement, rien n'a été abîmé, juste des enfants réveillés en sursaut par l'eau fraîche et salée !

Nous avons aussi perdu notre "voile d'avant" qu'on appelle ici le spi. Déjà fragilisé par les années, il n'a pas survécu à des rafales de vent bien trop fortes et imprévisibles, et c'est déchiré sur une grande longeur. Ne vous en faites pas, il sera réutilisé à d'autres fins.

Nous savions que nous approchions des îles car de plus en plus de nappes de sargasses (touffes d'algues) sont présentes. Nous en avons traversé une tellement impressionnante que nous avons failli nous arrêter net, mais aussi un changement flagrant de température. Bientôt nous n'aurons plus besoin de pulls tellement il fait bon durant les nuits.

Vu cette présence importante d'algues en surface, la pêche a été compliquée, mais cela ne nous a pas empêchés d'en attraper quelques-uns qui ont servi de repas dès le lendemain de leur pêche. Quelques mahi-mahi et un barracuda. D'autres trop petits que nous avons relâchés.

Il ne nous reste à présent que quelques heures avant d'arriver. Au loin, nous devinons le contour de la Martinique. Un regain d'énergie nous revigore tous. La terre nous a manqué à tous. Nous sommes à deux doigts de fermer la boucle.

Mais le vent décide de se lever durant les dernières heures. Nous en avons marre de nous battre contre lui, nous poussons les moteurs, que nous avons soigneusement entretenus durant les deux semaines de navigation, car nous savons que nos réservoirs sont encore suffisants.

Quand nous longeons la Martinique, un grand crac se fait entendre. L'attache de la bôme s'est tordue sous la tension qu'elle subissait depuis des jours avec cette houle désagréable. Elle n'aura pas tenu. Tous fatigués, nous faisons de notre mieux pour la réattacher et estimerons plus tard les dégâts de sa chute.

Rien de très grave finalement, la réparation n'as pas pris trop de temps.

Avec les lampes torches à l'avant, nous balayons devant nous car nous savons très bien qu'il y a beaucoup de bouées de pêche dans la baie. Nous arrivons enfin à Sainte-Anne.

Il est 2h19 du matin en ce lundi 5 février 2024, l'ancre est à nouveau dans l'eau depuis décembre dernier. Elle accroche, nous sommes en sécurité et nous pouvons enfin dire : nous l'avons fait.

NOUS AVONS FAIT NOTRE PREMIÈRE TRANSATLANTIQUE !

Nous sommes épuisés, il fait déjà chaud même si nous sommes habitués maintenant à cette température tropicale. Nous l'avons fait, nous sommes heureux de pouvoir boucler la boucle car nous sommes ici, là où tout a commencé en mars 2019 !

Couché de soleil sur Sainte-Anne, avec "Le diamant" sur la gauche de l'image.