Ce n'est pas vrai, nous avons fait nos adieux. Cette rengaine m'est revenue quand j'ai commencé à écrire ce post. Un petit bout de mon enfance qui ressort du fond de ma mémoire. Sur les flots, en direction du sud de l'Espagne, nous devons naviguer un peu plus de trois jours pour atteindre Gibraltar.

Cependant, nous sommes conscients qu'en naviguant aussi tardivement dans la saison, voire carrément en fin d'année, période de fortes perturbations, notre feuille de route risque bien d'être compromise. C'est pourquoi nous devons trouver régulièrement des points de chute, des mouillages qui pourraient nous accueillir au moindre moment.

Et devinez quoi, après un départ avec un ris dans la grande voile, nous passons la pointe de l'Espagne pour nous rendre en ligne droite vers Gibraltar. Durant la fin du quart de Romain, une houle très inconfortable se manifeste. Un peu trop optimistes, nous nous étions écartés des côtes. Tablette de bord en main, je cherche un point de chute "facile", protégé de cette houle non annoncée. Nous mouillons donc, tous fatigués de cette journée épuisante, juste à côté du port de Moraira. Il est temps de manger en famille et d'aller se coucher. Un lever tôt nous permettra de mieux appréhender la suite.

Ca souffle ... !

Nous repartons, il est un peu plus de 8h. Nous avons décidé d'attendre le jour pour avoir la bascule du vent qui devrait nous aider. Pas de bol, le vent annoncé n'y est pas, nous devons faire du moteur. La houle est toujours serrée, un inconfort qui commence à nous faire douter de notre choix de destination.

Durant la fin du quart de Romain, il vient me réveiller car il a l'impression d'entendre des bruits qui n'existent pas. Je reprends son fin de quart avec le mien et au bout d'à peine cinq minutes, l'hallucination sonore qu'il a prétendu avoir est en réalité vraie, notre moteur tribord nous lâche.

Impossible de le redémarrer, nous n'avons pas pensé que nous pourrions tomber en panne d'un moteur. Tout le monde sur le qui-vive, nous testons la moindre chose. Romain la tête dans la baille moteur, Stephen en assistant, moi au poste de barre surveillant que notre moteur babord ne nous lâche pas non plus, autrement nous devrons faire un pan-pan.

Au bout d'une bonne demi-heure, le moteur remarche, nous le lançons, mais nous sentons qu'il n'est pas en forme. Un arrêt pour vérification sera nécessaire. Le port qui peut nous accueillir est à plus de six heures de navigation. Nous devons tous faire pour y arriver. Romain lance la demande de réservation de place en insistant sur le fait que nous sommes actuellement en manœuvrabilité restreinte et que nous aurions besoin d'assistance pour rejoindre notre place.

Erreur P0094, ca vous parle ?

Les deux moteurs tournent maintenant depuis deux heures et nous vérifions sur chacun la température, les tours, le moindre bruit et la consommation de gasoil. Et c'est là que nous nous rendons compte que notre consommation est bien trop élevée par rapport à notre routine.

Comment bypasser un filtre à gasoil ? Caran d'Ache !

Le déclic arrive, le service des moteurs que nous voulions faire une fois aux Canaries va devoir se faire plus vite. Pourtant, nous n'avons pas dépassé les heures moteurs max pour le prochain service. Direction donc le port d'Almérimar, avec un moteur qui agonise, un autre qui tient le mieux qu'il peut et une consommation qui plafonne. Nous y arrivons un peu avant 18h, après une perte de temps et du bricolage à la MacGyver pour avoir une capacité de manœuvre sécurisante. C'est dimanche, les magasins sont fermés, demain matin à la première heure direction le Ship Chandler du coin pour commander les pièces et où trouver un concessionnaire Yanmar pour faire les services.

Gasoil en mode Mac Gyver...