Il ne faut pas sous-estimer la fatigue lorsque nous sommes que deux adultes pour faire les quarts.
C'est pourquoi Romain et moi, nous essayons en permanence de trouver le meilleur moment pour partir, le meilleur routage pour nous ménager.
Pour cette première navigation de plus de 30 heures, Romain a eu une idée, celle de faire le trajet sans s'arrêter vers Ajaccio, qui au premier abord me déplaisait, car je dois aussi gérer les enfants en même temps que mes quarts. Mais cela s'est révélé être le meilleur choix pour nous.
Nous lèverons donc l'ancre le jeudi 29 avril 2021, départ prévu 6h00, donc réveil un petit peu avant, car il faut quand même se faire un petit café avant de prendre la barre .... surtout pour moi !!! Donc 6h10 on a remonté l'ancre et c'est parti !
Nous longeons les côtes en direction Cavallo, nous apercevons de jolies plages qui nous font envie, ce sera pour une prochaine fois je l'espère. Nous ferons un bout de route avec un autre voilier qui prendra presque le même chemin que nous pour revenir sur le continent.
Une fois près de Cavallo, Romain décide de mettre l'autopilot en mode waypoint (ou pour rire le boatpilote, ben oui on est sur un bateau pas dans une voiture !) pour nous frayer un chemin à travers les petites iles de Porragia, Ratino et Piana et les différents hauts fonds presque tous immergés que nous voyons à peine.
Nous ferons la rencontre avec un nouveau moyen de transport le taxi-boat amenant les gens dans leur voiture sur l'ile principale et nous voilà passant le cap de Sperone.
Tout au sud de la Corse nous changeons de cap, remontant sur Bonifacio. Splendide, les flancs de montagne dessinés par la nature, des lignes parfaites totalement naturelles des galeries si grandes que même nous au loin, nous pouvons les apercevoir et qui donnent envie de les connaître mieux, même si nous avons un temps couvert presque pluvieux à certains moments qui n'embellira que peu nos photos.
Nous continuons, toujours suivis par notre ami d'un jour en monocoque en direction de Propriano, ici magnifique vue également, mais malgré le peu de bateaux en navigation, la présence de pêcheurs et de leur filet nous ferons redoubler de vigilance, nous sommes probablement tombés dans la période de remontage de filet, car ils étaient nombreux, nous avons du faire quelques déviations sympathiques pour éviter les filets dans les hélices.
Ensuite direction Ajaccio, rien à signaler, nous sommes toujours accompagnés, nous nous posons la question si nous le serons encore longtemps, ce serait drôle que nous fassions la même route ensemble jusque dans le Var.
Nous changerons pour la dernière fois de cap, direction le continent en ligne droite, la plus longue portion du trajet, mais vu que nous serons en hauturier, nous espérerons que la navigation sera calme. Nous croiserons quelques jolis gros navires de marchandises et quelques ferries.
Nous venons de réaliser un tiers de notre route, la fatigue n'est pas encore présente et c'est une bonne chose. Vu que nous n'avions pas de vent et que la houle est presque inexistante, pour la houle je suis contente, mais le vent ce n’est pas vraiment ce qu'ils avaient annoncé à vrai dire, les enfants en ont profité pour lézarder un peu au soleil à l'avant sous la surveillance de Romain avant de reprendre le cours de leurs vies. Tout d'un coup un cri rompt le calme ambiant "DAUPHIIIIINNSSS les enfants !!!", les enfants, tête par-dessus bord se feront une joie de les compter et contempler. Ils s'amuseront avec nous pendant presque 30 minutes avant de retourner à leurs occupations et nous les nôtres. Les enfants heureux finiront la journée à parler des dauphins et de leurs jeux.
Il est 19h30, les estomacs pleins, la vaisselle faite, les enfants ont quartier libre jusqu'à 21 heures après au lit. Nous constatons que notre compagnon de voyage ne nous accompagnera pas plus, sa destination est tout autre que la nôtre. Merci beaucoup et bonne navigation à toi !
Nous faisons le point avec Romain sur la marche à suivre. Cela ne le gêne pas de prendre le premier quart jusqu'à minuit et je profite pour aller me coucher dans le carré intérieur que nous avons transformé en lit pour notre traversée.
Romain me réveillera à minuit et je prends le relai pour le laisser dormir. Rien de particulier, la nuit est calme, un peu humide, la lune nous accompagnera jusqu'à ce qu'elle décide aussi d'aller se coucher pour laisser place au soleil. Je décide de le laisser dormir encore 1 heure de plus, c'est lui qui va faire les manoeuvres de port demain. Il est maintenant quatre heures du matin, au tour de Romain le lit est tout chaud je m'effondre rapidement.
Sept heures trente, Romain vient me réveiller, c'est dur cette fois, mais avec un café je devrais tenir le choc. Romain me dit qu'il n'a pas été tout seul, huit dauphins lui ont tenu compagnie je découvre les jolies vidéos. Les enfants seront ravis. Tout se passe bien, Romain a rangé le génois, plus de vent, cela ne sert à rien de le laisser.
Rien à signaler, les enfants par chance ne se lèveront presque pas avant le quart de Romain, il est presque dix heures, c'est le moment de faire le petit déjeuner pour tout le monde. D'un coup nous apercevons sur le rebord de nos panneaux solaires deux petits clandestins... mais depuis quand sont-ils là ? Aucune idée, je ne les avais pas remarqués avant !!!!
Quatre heures nous séparent de notre point d'arrivée. Au bout d'une heure, Romain me dit qu'il fatigue, il va s'allonger un moment, les enfants sont priés d'aller dans leur chambre pendant ce temps. Je ne suis pas fatiguée ou plutôt ne sens pas la fatigue. Je prends le relai. Le repas de midi se fera rapidement, nous voyons notre destination à l'horizon.
Une fois le repas avalé, Romain prépare les amarres et les pare-battage en attendant que je fasse la vaisselle avec les enfants et que nous rangions tout ce qui traine, incluant la grand-voile. L'entrée du port est là. Chacun à son poste. Nous traverserons une nappe de bébés méduses c'est impressionnant.
Concentration, nous entrons au port, trois noeuds, je fais le guet à l'avant pour voir si des bateaux sortent, Romain fait demi-tour pour se mettre cul au vent, le bateau en marche arrière, la manoeuvre est bien exécutée, je saute sur le ponton et frappe la première garde, c'est bon nous sommes à quai ! Toute la famille se met en marche: les autres gardes sont mises, les pares-battages sont ajustés, moteurs éteints, raccordements de l'eau et électricité, feux de navigation et la VHF sont éteint. Tout est sécurisé nous sommes contents, et là, à ce moment-là, comme une énorme massue, la fatigue, je baille aux corneilles, les yeux lourds, je l'ai sous-estimée, elle a gagné ! Nous sommes le vendredi 30 avril 2021, il n'est que 17 heures, et je n'ai qu'une seule envie ... aller me coucher, mais c'est trop tôt, je vais devoir patienter encore un peu.
Heureusement que c'était à ce moment-là et pas durant ma dernière période de veille. Donc, faites attention, ne présumez jamais de vos forces ni de votre résistance à la fatigue. Il m'a fallut presque trois jours pour récupérer.