Nous avons des amis établis ici depuis assez longtemps qui descendent du nord des îles pour prendre du matériel pour les sinistrés. Nous allons les aider à transporter tout ce qu'ils ont réussi à récolter. Le chargement des bateaux est fastidieux, et les complications administratives semblent compliquer encore plus la tâche du bénévolat.

Un bateau bien chargé, 2 palettes d'eau, plus d'une centaine de sac de vêtements, des batteries, des générateurs, de la nourriture...

Des informations contradictoires parviennent, et finalement, l'annonce de zones sinistrées interdites à la navigation des plaisanciers nous rend tous inquiets. Nous sommes là, disponibles, nous avons de la place pour transporter et amener autant de matériel que possible à tous ceux qui en ont besoin. Mais je comprends aussi que toute cette bonne volonté peut vite déraper. Des points de contrôle sont mis en place, des autorisations sont exigées pour que les navires privés puissent accoster. Personne n'est autorisé à mettre pied à terre s'ils n'y sont pas conviés.

Tout ce matériel est donc chargé sur un seul bateau, celui qui sera autorisé à s'approcher. Une surcharge importante, même pour le plus expérimenté des capitaines. Mais la météo, après le passage de Béryl, va être clémente. Et la veille de notre départ, nous avons nous aussi trouvé de quoi amener via la Croix-Rouge. Nous allons prendre le chargement à Sainte-Lucie et l'amener à Grenade, où il sera ensuite regroupé et distribué selon les besoins spécifiques des îles. Nous savons que tous ici faisons du mieux que nous pouvons.

La solidarité oeuvre une fois de plus, pas moins de 10 bateaux differents auront aidé à charger cette livraison humanitaire.

La priorité est de rendre un semblant de vie à ces îles. Les lignes de ferry sont en train d'être reconstruites, leurs pontons renaissent dans chacune d'elles. C'est leur seul moyen d'obtenir rapidement les aides. Nous ne sommes pas aussi rapides qu'eux, mais nous n'avons pas vraiment besoin de ponton. Les annexes peuvent servir pour la livraison sur la plage, mais avec plus de difficultés.

Nous levons l'ancre le 9 juillet. Nous sommes deux bateaux qui se dirigent vers Sainte-Lucie. Nous chargerons nos navires dans la journée et partirons au lever du jour le lendemain. Nous rejoignons deux autres navires qui sont aussi là pour descendre du matériel. L'un partira le jour même car il a chargé le matin tôt, l'autre partira vers minuit et nous ouvrira le chemin pour les îles sinistrées. Nous ne savons pas à quoi nous attendre, mais des débris sont encore probablement présents, nous devrons être particulièrement vigilants.

Le 10 juillet, nous quittons Sainte-Lucie à 5h30 du matin. Nous devons faire un arrêt pour la nuit car, malgré mon envie d'y arriver au plus vite, les débris semblent toujours être là et notre compagnon de route doit faire un arrêt pour déposer du matériel à Union Island. Cela ne peut pas se faire en pleine nuit, donc nous resterons ensemble. Après plus de 15 heures de navigation, nous nous arrêtons sur la première île touchée par Béryl. L'ancre est descendue, nous sommes pour une courte nuit à Saint-Vincent-les-Grenadines. Ici, l'électricité est toujours là, ils semblent avoir été moins touchés. Mais les ravages des vents violents sont visibles : des arbres arrachés, des bateaux couchés sur le sable. Le décor idyllique de l'île est entaché. Nous nous attendons à un choc violent demain.

Bequia, les maisons semblent intactes. Quelques bateaux n'ont pas eu cette chance.

Le 11 juillet, il est encore 5h30 du matin, nous partons en direction de Union Island. Plus nous descendons, plus nous voyons le paysage meurtri par Béryl. Mais c'est aussi le jour des résultats du Brevet de Stephen, que nous attendons à 11h. Depuis 10h, nous scrutons les résultats, et enfin, le nom de Stephen apparaît. Nous demandons les résultats : "a passé les épreuves du DNB avec la mention Très bien". Nous sommes aux anges, il a obtenu son diplôme, malgré le fait d'être dans un pays étranger, dans un établissement étranger, après avoir passé un ouragan, et avec la plus haute mention possible. Nous sommes très fiers de lui et il l'annonce à tout le monde.

Pas d'arrêt pour nous, mais nous essayons de rester à proximité de notre convoi. Eux s'arrêtent et nous en profitons pour observer les dégâts tout en faisant attention de ne pas heurter quelque chose avec les hélices. Une heure plus tard, ils nous annoncent qu'ils ont déchargé et qu'ils viennent nous retrouver. Nous finirons la traversée en direction de Grenade, pas loin l'un de l'autre. Il est presque 17h, nous avons fait nos 30 heures de navigation, les bateaux sont encore chargés. Demain, nous déchargerons et nous pourrons enfin retrouver notre place à Secret Harbor.

12 juillet, nous y sommes, il est 9h, Romain est parti faire la clearance pour notre arrivée sur l'île. Le bureau de la douane n'est pas encore ouvert, mais la Croix-Rouge est là pour récupérer la marchandise. Nous nous présentons avec le bateau sur le quai, qui a été bloqué pour cela. Nous déchargeons entre deux grandes averses tandis que Romain profite de la proximité de la douane pour faire notre annonce.

Le bateau est enfin vide, nous avons tout déchargé. Les averses se suivent et se ressemblent. Nous sommes tous humides, tout est inondé, mais le matériel est intact. Romain revient, la météo se dégrade, des orages sont attendus en début d'après-midi. Nous décidons de nous rendre directement à Secret Harbor et enfin prendre notre place. La houle est importante, découvrir un nouvel endroit bordé de récifs dangereux dans ces conditions n'est pas l'idéal. Nous ne connaissons pas les conditions de balisage des chemins conseillés pour éviter les hauts-fonds. Ce mélange de houle, de vent et de pluie va être sympathique.

Nous nous présentons devant l'entrée, la houle se fracasse contre les hauts-fonds. Nous voyons les balises qui nous indiquent le chemin d'entrée malgré la pluie. Nous y arrivons. Une fois passé l'angle, il n'y a plus de houle, c'est une baie vraiment protégée. Ce n'est pas pour rien qu'elle est désignée comme un trou à cyclone. Dehors, on se fait bousculer, ici il n'y a rien, juste une petite brise qui nous permet de respirer et de ne pas avoir trop chaud.

Il est 13h, nous avons une place en longside, la nôtre n'est pas disponible mais nous pouvons garder celle-là si elle nous convient. Au bout de quelques jours, nous décidons de ne pas changer, car la facilité de sortir si l'on veut et la possibilité de descendre l'annexe sans bouger nos amarres nous faciliteront la saison. Maintenant, place à un repos bien mérité, ensuite au nettoyage pour nous, et nous prendrons nos marques ici sur cette île qui va être notre salut pour les quatre prochains mois.