Béryl VS DNB

Lundi 1er juillet, Béryl sera le grand gagnant de cette journée. Nous aurions aimé ne jamais assister à cela, mais nous sommes tous les quatre réunis. Nous l'attendons, notre premier ouragan de catégorie 4. Nous demandons des nouvelles de nos amis, ceux qui ont réussi à fuir vers le sud et ceux qui sont restés en Martinique.

Trois familles, trois choix différents, nous sommes à l'écoute de tous. L'une est au mouillage dans la baie de Sainte-Anne, une autre est arrivée de justesse à Grenade, au port où nous devrions être, Secret Harbor, et nous, bien attachés au premier ponton qui fait face à l'entrée du port. Nous sommes tous prêts, comme tant d'autres que nous ne connaissons pas. Des catamarans, des monocoques, des trimarans, des maisons, attendant tous son passage dévastateur.

La trajectoire de l'œil semble nous éviter en Martinique, mais si nous ne sommes pas dans sa trajectoire la plus dévastatrice, cela veut dire que d'autres le seront. Nous regardons, la météo se dégrade vite, des vents violents de plus de 44 nœuds (81 km/h) nous secouent, arrivant par vagues à l'arrière du bateau. Nous guettons les panneaux solaires, pour l'instant tout tient. La pluie inonde notre salon extérieur, tout est trempé, notre baie vitrée n'a jamais été aussi opaque. Nous demandons des nouvelles des autres familles.

Dehors, au mouillage à Sainte-Anne, une houle de côté a fait son apparition. Par sécurité, nos amis ont préparé une deuxième ancre. Cela permet d'avoir deux points d'ancrage, leur annexe est prête, le sac de secours aussi. Nous sommes prêts à les accueillir en cas d'urgence. La houle est désagréable, plus de 3 mètres, mais par chance, elle est longue, donc leur bateau les monte et les redescend avec plus de facilité. Des débris commencent à apparaître : des troncs d'arbres, des morceaux de bois, des palettes, des déchets en tous genres et des filets de pêche qui se prennent dans les chaînes des bateaux.

Elle me raconte que les monocoques se font malmener. Les gens, emmitouflés dans leurs imperméables, sont dehors avec leurs harnais de sécurité, faisant le tour de leur bateau pour voir si tout tient. Puis l'annonce est faite : Béryl passe sur les îles de la Barbade, Saint-Vincent-les-Grenadines, Carriacou et toutes les petites îles qui les entourent. Même le nord de l'île de Grenade est touché. Nous sommes tous sous le choc, toutes ces îles sont réputées être à l'abri des ouragans. Des centaines de bateaux sont maintenant détruits, nous avons des amis qui ont mis leurs bateaux à sec, en particulier à Carriacou qui est l'un des plus gros points de stockage de bateaux hors-saison de la zone.

Inquiets pour tous nos amis, nous devons aussi faire face à l'attente de l'Académie de la Martinique car demain, Stephen doit passer ses examens. Les routes sont inondées, des arbres sont arrachés, bloquant des routes. Nous devrons être très prudents, demain nous partirons tous les quatre très tôt. Mardi et mercredi, Stephen passera ses épreuves. Nous le rassurons, nous lui disons que le plus important, c'est de se présenter, de tout donner.

Mardi 2 juillet, il n'est pas encore 6h du matin que Stephen et Romain se dirigent vers la voiture de location. Les examens ne sont que le matin et Ethan n'a pas réussi à se lever. Je reste avec lui, demandant des nouvelles sur la route et une fois certaine qu'ils sont bien arrivés, j'attends leur retour. Entre-temps, je prends des nouvelles de nos amis, lis les annonces de la catastrophe de Béryl et me rends compte que nous avons essuyé notre premier ouragan.

Une des premières photos reçues de Carriacou, le chantier de Tyrell Bay.

La matinée passe vite, tout le monde va bien, les bateaux de nos amis n'ont eu que quelques petits dégâts, mais rien de bien grave. Cependant, les premières images des bateaux à Carriacou nous brisent le cœur : tout est rasé, les habitations, les bateaux, la nature sont renversés. Cette puissance du tout premier ouragan de la saison n'annonce rien de bon.

Notre choix de passer cette saison cyclonique dans le sud de la Grenade semble ne pas être un si bon choix que cela. Mais pour le moment, nous sommes en Martinique et nous allons faire ce que nous pouvons pour venir en aide à ces îles qui n'ont plus rien. L'entraide est l'une des choses les plus importantes que nous apprenons en devenant des navigateurs.

Les garçons sont rentrés, Stephen a le sourire. Demain, il passera les épreuves de lundi et nous serons enfin libérés de cette obligation. Ensuite, nous chercherons à aider comme nous pouvons et nous rejoindrons le sud de la Grenade pour le reste de la saison. Est-ce un bon choix ? Nous ne le savons pas, mais pour le moment, c'est celui que nous avons fait.

Si jamais, le mercredi s'est bien passé, Stephen était soulagé d'être enfin libre. Nous attendons donc les résultats pour le 11 juillet à 11h. Nous serons probablement sur le chemin de notre place dans le sud de la Grenade.